Renault 90-34 TX Tracfor, 1994 X Tractor

En 1981, Renault crève l'écran avec la présentation des séries S et TX au Salon international de la machine agricole, à Paris. Cette dernière gamme crée l'évènement par ses lignes et ses nombreuses qualités techniques. Renault cloue sur place ses concurrents, faisant ainsi un véritable coup de force en proposant une gamme complète de tracteurs également reconnus pour leur confort de travail exceptionnel. Les TX disposent ainsi d'une cabine chauffée, ventilée, insonorisée et ayant la particularité de basculer vers l'avant, pour accéder plus facilement aux organes de transmission et au circuit hydraulique afin d'en faciliter l'entretien. Le volant de direction et le siège conducteur sont réglables, ce dernier pouvant également pivoter à 20° afin d'augmenter et d'améliorer le champ de vision du conducteur, lors de manœuvres et de certains travaux demandant une attention régulière.  Ce renouveau des tracteurs au losange est aussi marqué par une nouvelle livrée bicolore. Leur succès est immédiat et les commandes affluent de l'Europe entière.

Le 90-34 TX Tracfor tient ses origines de trois modèles. Composant le haut de de la gamme moyenne en 1980, le 851-4 S est motorisé par la version Turbo diesel du 4-cylindres MWM 226-4, développant alors 85 ch. Il sera construit jusqu'en 1989.

Le second modèle d'origine est le 95-14 TX. Procurant 84 ch avec le même bloc, mais en version standard (sans turbo), ce dernier dispose quant à lui de la même cabine « tout confort » type TX qui fut lancée sur les Renault de plus de 100 ch, élargissait alors la gamme haute au modèle de plus de 80 ch. Ces « petits TX », seront ainsi produits jusqu'à la fin de l'été 1986.

La Série Tracfor lancée en 1988, pour célébrer, grâce à ses options et sa couleur blanche, les 70 ans du premier tracteur de la marque et le lancement de la branche agricole de la firme, apportera dès 1990 et désormais sous la couleur orange, ses équipements complémentaires au 90-34 TX.

En 1982, la famille des TX s'agrandit avec l'apparition des modèles 95-12 (deux roues motrices) et 95-14 (quatre roues motrices). Surnommés « Petits TX » et développent 84 ch, ils constituent alors le « pied » de la gamme haute. Cette même année, Renault lance aussi ses TX « simplifiés », sous la référence TS, les tracteurs la composant recevant une cabine aux formes plus épurées et aux finitions plus sobres. En 1983, c'est au tour de la série RS d'être dévoilée. Cette dernière se compose d'une dizaine de modèles dont la puissance s'échelonne de 60 à 93 ch. Il s'agit des tracteurs de type 61-12 RS, 61-14 RS (60 ch DIN), 68-12 RS, 68-14 RS (68 ch DIN) , 75-12 RS, 75-14 RS (75 ch DIN), 95-12 RS, 95-14 RS (84 ch DIN), 103-12 RS, 103-14 RS (93 ch DIN). Ces derniers sont dotés d'une superstructure spécifique et d'une cabine dite « à transformation ». Le concept de cette dernière s'apparente à celui d'une cabine modulable, dont la structure s'articule autour d'un arceau. En 1988, la série TX change de look et se perfectionne. Les lignes s'affinent. Le confort de travail est accru et la gamme est complétée. Aussi la cabine TX équipe désormais trois tracteurs de cylindrée inférieure : le 75-32, le 85-32 et le 90-32, ainsi que leurs variantes, quatre roues motrices : 75-34, 85-34 et 90-34. Ces trois derniers modèles reçoivent d'origine un pont avant renforcé Renault à double réduction et blocage de différentiel Blocamatic. La direction hydrostatique est assistée grâce à deux vérins incorporés. Cette combinaison offre un braquage des roues de l'ordre de 50°. Une qualité qui sera très appréciée des exploitations de polyculture-élevage. Le 85-32 TX entre en production en janvier 1988 sur les chaînes du Mans.  Celle des 75-34, 85-34 et des 90-32 démarre en décembre 1988.

Le 90-34 TX sera lancé sur le marché en septembre 1988 et sera produit jusqu'en mai 1995. Présenté en février 1990, le 90-34 Tracfor sera quant à lui, produit jusqu'en septembre 1995. Cette version sera la plus construite, avec 1610 exemplaires.

La production du 90-34 TX débute quant à elle en septembre 1988.  Cette même année marque le 70e anniversaire du premier tracteur au losange et la naissance de la branche agricole de la marque. A cette occasion, le constructeur lance sur le marché une série spéciale de plusieurs modèles, reconnaissables à leur livrée blanche. Cette dernière inclut des 70-12 et 70-14, 103-14 et 110-14 type SP, ainsi que des 110-14 et 133-14 en mode Tracfor. Les 70-12 et 70-14 bénéficient d'une cabine chauffée et ventilée et de deux distributeurs auxiliaires. Considérée comme la série « super équipée » de cet anniversaire, la gamme Tracfor, concerne des 110-14 et 133-14, proposant en série et en plus de la cabine TX « tout confort », une boîte à inverseur et doubleur synchronisés  à toutes les vitesses, soit 16 rapports avant et arrière. Un équipement hérité des modèles TX et TS16. Les Tracfor disposent aussi d'un système de freins à disques sur arbre de différentiel et à bain d'huile, ainsi que de deux distributeurs auxiliaires.

Au Sima 1989, Renault profite du lancement de la série M pour présenter également le 90-34 FT . Reprenant les bases du 90-34 MX, ce tracteur n'est qu'un prototype, qui permet de présenter le modèle de 83 ch dans une configuration optimale. Ce modèle, véritable concentré de technologie (mécanique et électronique), est ainsi équipé d'un relevage avant et reçoit également un capot plongeant, offrant ainsi une meilleure et une plus grande visibilité.

Devant l'engouement des agriculteurs pour cette série, Renault Agriculture décide, dès l'automne 1989, de compléter cette gamme en l'élargissant aux modèles 70-34, de la gamme M, lancée en janvier 1989, ainsi qu'au 90-34 de même type comme à   celui de la série TX. La production de ce dernier, rebaptisé 90-34 Tracfor X puis dès le début des années 1990, 90-34 TX Tracfor est, comme le Tracfor de la série M, lancée en janvier 1990. En plus de leurs nouvelles lignes de capot et de calandre arrondies, les modèles Tracfor reprennent leur livrée orange. Les 90-34 sont équipés en série de la boite de vitesses type B17-12, proposant 3 gammes, un inverseur et quatre vitesses synchronisés procurant par combinaison, 12 vitesses avant et autant en marche arrière. En option, cette dernière peut être remplacée par la boite B17-72 Tractoshift (l'une des premières boites Powershift, conçue et installée en série par Renault) qui bénéficie en plus d'un doubleur de gammes synchronisé offrant ainsi 24 vitesses en avant comme en arrière. Cette dernière sera d'ailleurs souvent choisie par les agriculteurs, comme c'est le cas sur l'exemplaire essayé dans cet article. Ces technologies s'accompagnent d'un certain nombre d'évolutions sur les tracteurs de la gamme comme de la totalité de la marque, avec notamment un traitement anticorrosion des cabines par cataphorèse, une meilleure ergonomie des leviers de commande et, sur les modèles les plus puissants, la possibilité d'enclencher le pont avant en marche et sous charge. En 1989, Renault profite également du lancement de la gamme M pour présenter, lors du Sima, son modèle 90-34 FT (type 3172). Taillé pour les exploitations de polyculture-élevage, ce tracteur qui n'est en fait qu'un prototype, est d'office pourvu, d'un relevage et d'une prise de force avant, optimisant l'utilisation d'outils combinés. Bénéficiant des mêmes qualités de confort que les TX, sa cabine est celle des modèles M, plus basse, permettant ainsi de mieux circuler dans de petits bâtiments. Enfin, signe des plus caractéristiques, son capot a été redessiné. Plongeant vers l'avant et bénéficiant de lignes plus rondes et ramassées, il offre ainsi dans cette configuration une meilleure visibilité vers l'avant et donc sur le travail accompli avec un outil porté. Ce tracteur sera à l'origine de la conception des modèles Cérès lancés sur le marché en 1993 et qui viendront progressivement remplacer les modèles M et les « petits TX », les modèles 95 et 95X de 85 ch prenant définitivement la place, en mai 1995, des 90-34 TX et 90-34 TX Tracfor, ceux-ci ayant été respectivement et en tout produits à 1023 et 1610 exemplaires.

Yvan Bourdel a sauvé ce tracteur d'une destruction certaine. Perfectionniste, il a œuvré à sa restauration, demeurant fidèle à sa devise : être au plus proche de l'origine. L'homme n'est pas à son coup d'essai puisqu'il a déjà à son actif un certain nombre de rénovations, notamment en matière de Someca et de Massey Ferguson.

L'homme qui a restauré ce 90-34 Tracfor X n’est pas un inconnu des lecteurs de Tracteur Rétro puisqu'il a fait la une de notre premier numéro avec ses Massey Ferguson 35 et 37 flambants neufs.  Mécanicien de formation, Yvan Bourdel est un touche-à-tout. Mécanique, électricité, tôlerie, peinture, rien de l'effraie lorsqu'il s'agit de faire renaître un tracteur en mauvais état ou totalement à l'état d'épave. Comme il nous l'indique : « J'ai toujours côtoyé ce 90-34, dans la mesure où il a été livré neuf dans ma commune. Avant de finir comme tracteur de cour d'une exploitation locale, il a été tracteur de tête assurant tous les travaux et toutes les corvées : semis de maïs, ensilage, désilage, manutention du foin et du fumier à l'aide d'un chargeur frontal... Dans le monde du tracteur ancien, je suis plutôt un adepte des Massey Ferguson et des Someca, cependant, le sort de ce Renault qui était la proie de la végétation depuis deux ans ne m'a pas laissé insensible. Je passais tous les jours devant. Comme il était immobilisé depuis un certain temps déjà, je me suis dit qu'il était grand temps que je m'en occupe. Je me suis donc décidé à aller voir son propriétaire pour tenter de le sauver. Les transactions ont été relativement brèves dans la mesure où il était en panne au niveau de l'inverseur et qu'il n'avait qu'une faible valeur marchande au vu de son état de délabrement avancé. Côté tôlerie, tout était à reprendre. Les profilés composant la partie basse de la cabine étaient rongés par la rouille. Je les ai donc reconstruits un à un. Mise en forme, pliage et soudure de ces éléments m'ont occupé durant de longues heures. Le capot moteur était enfoncé en de multiples endroits. La calandre en ABS, était déformée. Je l'ai remise en forme progressivement à partir de gabarits en bois. Les ailes étaient cassées à de nombreux endroits. J'en ai récupéré une en bel état dans une casse alors que la seconde a été achetée via le réseau Claas / Renault Agriculture. Toujours disponible au catalogue Claas, mais affichée à un tarif totalement inabordable, la grille de calandre a été retaillée dans celle d'un 154 que j'ai trouvé dans une casse spécialisée en matériel agricole. Le moteur, comme le relevage étaient en revanche en parfait état. J'ai débloqué la boîte en quelques heures. En fait, les fourchettes étaient usées jusqu'à la corde à cause de leur utilisation intensive et des passages un peu trop brutaux... Les pneumatiques ont également été remplacés. Je l'ai entièrement repeint dans sa plus stricte livrée d'origine. Les logos spécifiques ont été refaits à l'identique par un atelier de sérigraphie costarmoricain. En tout, ce tracteur a occupé tous mes loisirs durant six mois. Ce qui est étonnant lorsque je présente le tracteur sur une expo où une fête liée à notre patrimoine favori, c'est que le public est persuadé qu'il s'agit d'un tracteur qui n'a jamais servi, sortant directement des réserves d'une ancienne concession de la marque », commente Yvan un brin amusé. Ce Renault est d'ailleurs le cadet de la collection et son propriétaire n'exclut pas de le faire travailler de temps à autre, histoire de lier l'utile à l'agréable.    

Les formes épurées du tracteur et de sa cabine n'ont pas pris une ride. Les ailes sont des plus enveloppantes, intégrant les blocs de feux clignotant-position, ainsi que la plaque d'immatriculation, qui ainsi fixée, ne risque pas d'être accrochée ou arrachée lors de certains travaux. Côté droit, on remarque le levier de commande extérieure du relevage.

Dans la lignée des autres modèles de la gamme TX, les formes du tracteur sont très épurées. Particulièrement graphique, le design de cette série est tout à fait dans le ton du début des années 1990. Renault a une fois de plus su jouer la carte du stylisme sans jamais nuire à l'aspect pratique. Adolescent, j'étais subjugué par les Renault TX. Ma première rencontre avec ces tracteurs remonte à septembre 1985 lors de la foire-exposition de Morlaix. J'avais été impressionné par cette armada orange et je m'étais dit : « Ça serait sympa de pouvoir prendre un jour les commandes d'un tel tracteur. » J'étais alors loin de m'imaginer que trente plus tard, j'aurai la chance de conduire l'un de ces modèles appartenant à cette série légendaire. Comme vous pouvez le supposer, une fois la porte du garage ouverte, nous avons été agréablement surpris de découvrir ce 90-34 refait à neuf. Yvan ne laisse rien au hasard et a une nouvelle fois appliqué sa charte de l'état concours. « Comme toujours, j'ai essayé d'être au plus proche de l'origine et la tâche est parfois ardue. Avec un œil aiguisé, vous découvrirez seulement trois petites entorses par rapport à son état originel. Deux d'entre-elles ont été réalisées durant la carrière du tracteur par son précédent propriétaire : le siège a été remplacé par un modèle assez proche car il s'est trouvé être à un moment donné dans un état d'usure particulièrement avancé. D'autre part, ce TX a été équipé d'une vitre arrière articulée en deux parties, telle qu'elle était disponible sur les plus gros modèles de la série. Un choix judicieux, car limitant entre autres les risques de bris de glaces, lors de certains travaux.  Enfin, mon 90-34 est équipé à droite d'un garde boue d’aile arrière estampillé d'un losange en relief. Les ailes de cette génération 90-34 ne disposaient pas encore de ce logo. » Ces légers écarts n'ont rien de décalé dans la mesure où ces adaptations particulièrement homogènes, se retrouvèrent aussi et à la demande d'agriculteurs comme sur décisions de concessionnaires et agents, sur d'autres Renault de la série.

Comme sur les voitures de la marque au losange, la planche de bord et le volant font appel au « tout plastique ». De marque Jaeger, l'instrumentation dispose d'aiguilles et de marquages orange fluorescent. L'inverseur se trouve à gauche et volant.

Le levier de vitesses principal (à gauche) à quatre rapports avant et arrière est parallèle au sélecteur de gammes, à droite. Toutes ces commandes sont synchronisées. 

Ancien agriculteur, Bernard Andrieux nous délivre ses impressions sur le travail aux commandes d'un 90-34 : « Bien que je sois plutôt vacciné Someca / Fiatagri, je dois avouer que le Renault 90-34 TX était un excellent tracteur. Il faisait largement le poids face à ses concurrents de même catégorie, tel le Fiat 80-90 où le John Deere 2140. La boîte de vitesses était particulièrement bien étagée, ce qui le rendait à l'aise en toutes circonstances. Sur de bonnes terres, le tracteur était à même d'emmener sans broncher une charrue trois ou quatre corps de 12 ou 14 pouces. Sur des parcelles difficiles, lourdes, caillouteuses, une bisoc était préférable, ceci imposant de travailler principalement et en moyenne en première et en gamme secondaire (« champ »), avec parfois une poussée en seconde sur de bonnes terres. De même, il se révélait un allié précieux au semis, attelé à un combiné intégrant une herse rotative, mais aussi au pressage avec un round baller ou à l'ensilage, sa prise de force à deux vitesses (au régime nominal moteur), délivrant la puissance nécessaire pour entrainer une grande diversité d'outils, le travail s'effectuant majoritairement dans ces cas de figure en troisième  sur la gamme « champs », la quatrième sur cette même gamme, étant surtout réservée à des travaux de fenaison ou d'épandage d'engrais par exemple. A l'époque, de nombreux agriculteurs l'utilisaient aussi énormément comme tracteur de cour, surtout avec un chargeur frontal. Ainsi équipé, l'engin se montrait particulièrement efficace dans le curage d'une stabulation, la formation de silos d'ensilage ou le chargement d'un épandeur à fumier, fort bien aidé en cela par l'inverseur de marche synchronisé. Il était également taillé pour emmener quotidiennement une pailleuse ou une désileuse, le tracteur travaillant alors en quatrième sur la gamme lente ou en première ou seconde, en mode « champ ». Offrant un certain agrément d'utilisation et un vrai confort de conduite (réduisant ainsi la fatigue et les problèmes dorsaux) hiver comme été, il brillait ainsi par sa robustesse, sa polyvalence, sa facilité d'entretien et ne l'oublions pas, par sa faible consommation. Il avait cependant une faiblesse : sa boîte de vitesses. Très souvent, les problèmes arrivaient dès lors que les commandes de gammes ou de choix de rapports étaient menées trop brutalement."

Le 90-34 TX, dispose du système Tractocontrol, propre à tous les tracteurs de la marque. Les deux leviers positionnés l'un derrière l'autre, en bordure droite de la console latérale permettent de gérer la sensibilité de descente et de relevage de l'outil  ainsi que le réglage de sa profondeur de travail. Le levier central agit quant à lui sur la position des bras et le contrôle d'effort.  Dans la mesure où le 90-34 d'Yvan est équipé d'un distributeur hydraulique supplémentaire à l'avant, le tracteur reçoit une poignée-levier spécifique permettant de jouer sur les vérins auxiliaires.
Ce Renault reste effectivement un modèle du genre. Vif, endurant et particulièrement polyvalent, mais aussi économique, il représentait à l'époque un allié incontournable pour une exploitation de taille moyenne. La robustesse est aussi au rendez-vous, dès lors qu'on lui accorde un minimum de soins, tant au niveau de son entretien que de son maniement. Cela explique qu'un certain nombre d'exemplaires aient survécu et soient restés longtemps en service. Jugés encore trop jeunes, par certains, pour devenir un vrai collector, les Renault appartenant à la série TX sont, pour d'autres, entrés dans l'histoire et comptent parmi les classiques Youngtimers qu'il convient de préserver précieusement et de restaurer avec intérêt comme l'exemplaire présenté dans ces pages.

Conçu pour les exploitations moyennes, le 90-34 TX offre des capacités de traction et d'endurance exceptionnelles. A son aise en toutes circonstances, ce tracteur est réputé pour sa robustesse, sa fiabilité et bien entendu son confort. Ce n'est pas un hasard si bon nombre de 90-34 sont restés longtemps en service.